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Dossier
Face aux nouvelles habitudes de consommation, les petits commerces de centre-ville doivent se réinventer. La numérisation est un passage quasi obligé.
Le commerce est un atout central et indéniable de l’attractivité d’une ville. Rien de plus triste qu’un centre-ville mort dont les commerces ont définitivement baissé le rideau ! Fleuristes, coiffeurs, libraires, métiers de bouche, etc., constituent le cœur battant des villes françaises.
Jean-Pierre Pernaut, notre Grand Témoin du mois, partage son attachement aux petits commerces de proximité.
Nous sommes très attachés à nos petits commerces. Les 80 000 artisans, commerçants et restaurateurs des centres-villes bénéficient d’une très bonne réputation :
des Français ont une très bonne image de leurs commerces de proximité
(sondage CSA pour la Confédération Générale de l’Alimentation en Détail de fin 2018)
Le savoir-faire, la qualité et la fraîcheur des produits, la relation avec le commerçant : les consommateurs saluent les atouts des petits commerces par rapport à la grande distribution. Les commerces de bouche restent en tête des classements : ne dit-on pas qu’on va chez « son boulanger » ou chez « son boucher » ?
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Du libraire au marchand de chaussures, cet attachement vient de la figure du commerçant, agrégateur de lien social : il fournit du conseil, représente un contact humain, favorise l’échange. Pour beaucoup, il incarne l’âme du centre-ville. Que serait le quartier de la Goutte d’Or à Paris sans ses boutiques ethniques ou le Vieux Nice sans son artisanat ? Le petit commerce encourage aussi la plupart du temps une consommation plus locale.
La fermeture répétée des commerces dits « non essentiels » les a durement secoués, mais la situation était difficile bien avant cela. La crise pourrait être fatale à certains secteurs déjà fragilisés, comme l’habillement ou la chaussure.
Officiellement, tout le monde est attaché aux petits commerces du coin de sa rue, mais que fait-on réellement pour les sauver ? Malgré cet attachement fort, une majorité de Français réalise toujours l’essentiel de ses achats dans les supermarchés ou les grandes zones commerciales qui essaiment en bordure de ville car les commerces de proximité sont vus comme plus chers et moins accessibles en voiture.
Avec la fermeture des services publics, l’augmentation du coût du logement, les difficultés de stationnement, la vie a peu à peu quitté le centre-ville au profit de la périphérie, où ont prospéré les super et hypermarchés, érigés en modèles de la consommation depuis les années 1980. On assiste depuis à une érosion du modèle. Emmanuel Macron a ainsi récemment pris position en annonçant devant la Convention citoyenne pour le climat un moratoire visant à limiter fortement (voire interdire) la création de nouvelles zones commerciales et centres commerciaux à la périphérie des villes. Si boutique traditionnelle et grande surface étaient auparavant rivales, aujourd’hui, leurs intérêts sont liés pour subsister face à leur « ennemi » commun : le e-commerce.
Centre commercial Famiprix à Créteil-Mont-Mesly dans les années 1960 © Jean Biaugeaud
Le confinement du printemps 2020 a significativement modifié nos habitudes de consommation. Pendant cette période, le commerce a perdu près d'un quart de chiffre d’affaires. Afin d’amortir les effets de la crise sanitaire devenue économique, les pouvoirs publics encouragent les petits commerçants à numériser leur activité. Paradoxalement, le « grand méchant » Internet semble être la solution pour maintenir une activité, même minime. Leur vie ne tient plus qu’à un clic !
Dans sa stratégie, le gouvernement a rapidement choisi de faire de la crise une opportunité pour accélérer la numérisation des petits commerces. La France est en retard par rapport aux autres pays de l’Union européenne : seul un tiers des magasins indépendants sont présents sur Internet, soit avec un site web, soit sur une plateforme de vente en ligne (marketplace).
Le « click and collect », solution qui permet au client de réserver en ligne et de venir chercher physiquement son produit (autrefois peu utilisé), est ainsi devenu la star du deuxième confinement, dans les librairies comme chez le maraîcher du coin de la rue. Pour beaucoup d’indépendants (qui représentent 70 % des commerçants de centre-ville), l’accompagnement dont ils ont pu bénéficier a permis de lever certains freins.
Paroles de commerçants
Face à l’engouement des Français pour le e-commerce, les commerçants indépendants ont dû réagir pour leur survie. Si le numérique leur a permis de passer le cap de cette période difficile, ils n’en oublient pas pour autant l’essence de leur métier : le contact humain.
La numérisation des petits commerces est une des réponses à la crise sanitaire mais elle ne suffira pas pour leur permettre de survivre sur le long terme. L’enjeu est maintenant de faire du numérique un levier durable pour se réinventer.
Être présent sur Internet exige pour un petit commerçant un minimum de formation et d’agilité. Le référencement et la gestion des stocks peuvent par exemple s'avérer compliqués. Mais s'investir pour se positionner de manière « omnicanale », à la fois en physique et sur Internet, est souvent un bon pari. Pour être efficaces, les outils numériques doivent être adaptés à l’activité et mettre en avant les spécificités que les consommateurs apprécient dans les petites enseignes (proximité, valeurs, conseil, etc.).
Les collectivités doivent quant à elles mener une réflexion stratégique plus large sur l’attractivité du centre-ville, et le promouvoir comme une véritable destination, au-delà de sa dimension commerciale. La présence des commerçants sur internet doit ainsi se doubler d’une véritable démarche d’animation de terrain. Côté mairie, une adaptation du stationnement en centre-ville et une campagne de communication bien sentie sont autant d’initiatives qui ont parfois boosté le commerce local pendant la crise.
La crise n’a fait qu’accélérer des tendances structurelles, le secteur du commerce étant entré depuis plusieurs années dans une phase de mutation. La révolution commerciale est en marche !
Si la crise a accentué les difficultés des petits commerces de centre-ville, paradoxalement, c’est peut-être elle qui va les sauver. En effet, cette période atypique a fait évoluer nos comportements et pratiques de consommation. Les Français se sont (par la force des choses !) momentanément largement tournés vers un mode de consommation plus local. Les contraintes de déplacement et l’envie de retrouver du lien social avec le commerçant en bas de chez soi expliquent sans doute en partie ce changement. Les Français confinés ont privilégié les circuits courts, notamment dans l’agroalimentaire et ont redécouvert, dès leur réouverture, les marchés de quartier.
La transition numérique des petits commerces aurait gagné
entre 6 mois et 3 ans
(Banque des Territoires novembre 2020).
Bien relayé par les médias et les politiques, le soutien aux « petits commerces » a été encouragé au plus haut niveau. D’après une enquête Ifop réalisée en avril 2020, 82 % des Français déclarent vouloir continuer à acheter plus de produits locaux après la crise, mais on parle bien ici d’intention d’achats et non d’achats réels… Cette évolution du comportement des clients pousse les professionnels à imaginer une offre commerciale différente.
Il faut avoir des idées et du cœur à l’ouvrage pour s’installer aujourd’hui.
Figure du 13h de TF1 pendant 33 ans, Jean-Pierre Pernaut a passé la main, mais n'a pas pour autant raccroché ! Sur LCI et sur jpptv.fr, il traite des sujets qui lui ont toujours tenu à coeur, comme la défense des petits commerces.
Le groupe Caisse des Dépôts accompagne les mutations du secteur commercial, qui a fait un grand pas vers la numérisation. Au-delà de la simple réponse immédiate à une crise qui n’en finit pas, l’enjeu est de répondre durablement aux nouveaux besoins des professionnels.
Avec son plan de relance des commerces, la Banque des Territoires prévoit 1 Md€ d’aides à destination des commerces de proximité des petites villes et des villes moyennes de moins de 200 000 habitants. Cette aide découle d’un scénario inquiétant : selon le Conseil d’analyse économique, les faillites attendues des entreprises du commerce en 2021 sont en hausse de 2 à 25 % par rapport aux années précédentes.
À travers ses différentes entités et filiales, le groupe Caisse des Dépôts dispose d’un panel de solutions d’ingénierie et de conseil complémentaires aux aides financières de l’Etat pour relancer l’activité. Ainsi Scet (filiale de la Caisse des Dépôts), effectue des expertises mesurant l’impact des effets de la crise sur les commerces d'une agglomération. Elle l’a fait à Châteauroux, par exemple.
Dans son rôle d’accompagnement de l’Etat pour aider à la numérisation des entreprises, le Groupe opère deux solutions digitales très médiatisées pendant la crise.
La plateforme Clique-mon-commerce.gouv.fr, développée par l’Etat en novembre 2020, en collaboration notamment avec Bpifrance, identifie des solutions locales pouvant être mises en œuvre rapidement par les commerçants, artisans et restaurateurs pour maintenir et développer leur activité grâce au numérique.
« Ensemble, on est plus forts ». C’est sur ce principe qu’une cinquantaine de villes (comme Nancy, Nevers, Alès, Lorient), intercommunalités et associations de commerçants ont mis en place un site unique référençant les produits et services des commerçants de leur centre-ville, une « marketplace » locale. La plateforme Ma Ville Mon Shopping , lancée par la Poste en 2015, offre par exemple une mise en relation directe entre le commerçant, ses produits et le consommateur. La Poste (dont la Caisse des Dépôts est l’actionnaire majoritaire) montre ainsi sa capacité et sa volonté de soutenir le tissu économique local.
Les petites et moyennes villes françaises pourraient bénéficier des nouvelles pratiques ayant découlé de la crise, comme l’arrivée des télétravailleurs venues des métropoles très urbanisées. L’Etat avait compris les atouts de ces villes dès 2018 en cherchant à les valoriser via le programme Action cœur de ville puis en intensifiant ce mouvement, plus récemment, avec Petites villes de demain.
Redynamiser le centre-ville est un tout. Garder ses commerces de proximité, c’est aussi pour les communes de taille moyenne l’opportunité d’attirer une population nouvelle et tenter de la conserver, en proposant un cadre de vie adapté, c’est-à-dire qu’il y ait de l’emploi, des transports, une offre culturelle et de loisirs, etc. Certaines, comme Belfort, l’ont bien compris, et mettent en place des politiques publiques favorisant la préservation du tissu économique.
Zoom sur...
la manager de commerce de Belfort
En plus d’avoir développé sa marketplace locale via Ma Ville mon shopping, la ville possède un poste de manager de commerce depuis 2018. Ancienne commerçante elle-même, Elisabeth Blanc établit un lien crucial entre les commerçants et la Mairie.
Crédit © François Hébras
Parmi les freins à l’attractivité des centres-villes, le coût du loyer pour les commerçants est souvent cité. Ce sujet sensible est une des données dont l’Etat et la Banque des Territoires ont tenu compte pour la création de 100 foncières. Ces sociétés privées, constituées souvent à l’initiative des collectivités, auront pour mission d’acheter des emplacements immobiliers pour les réhabiliter puis les louer ensuite aux commerçants à un prix attractif. Objectif : restructurer 6 000 commerces de proximité.
Les villes souhaitent capitaliser sur l’intérêt nouveau des consommateurs pour le commerce local. L’enjeu est donc pour les acteurs politiques locaux de continuer dans cette voie, à travers, par exemple, un aménagement adapté de la ville (places et rues piétonnes, stationnement facilité, etc). Il faut aussi repenser l’offre commerciale du centre-ville, en prenant soin de la diversifier. La reconquête des centres-villes est bel et bien en marche : on voit des cavistes, des boulangers, des crémiers, revenir vers les hypercentres de certaines localités.
La crise n’est pas finie : on ne connaît pas encore l’étendue des fermetures ou faillites qui menacent le secteur du commerce, particulièrement exposé (les locaux à vendre/ à louer ou les affiches « tout doit disparaître » fleurissent dans certains centres-villes). Comment les efforts fournis depuis plusieurs années dans le cadre du programme Action cœur de ville peuvent-ils atténuer les effets de la crise et renforcer la résilience des territoires ? Les pouvoirs publics ont montré qu’ils étaient prêts à ne pas interrompre la redynamisation des centres-villes, malgré le contexte difficile.
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